L’allaitement, ça s’apprend !

Je vous le dis tout de suite, afin qu’il n’y ait aucun malentendu : je ne suis ni ethnologue, ni sociologue, ni philosophe. Je suis une personne lambda qui s’adresse à des personnes lambda. Pour moi, comme pour le dictionnaire Larousse, apprendre veut dire acquérir un savoir, que ce soit par sa propre expérience, par une transmission ou par tout autre moyen. On apprend à marcher, à parler, à contrôler ses sphincters, à respecter les normes sociales, à compter, à écrire, à faire du vélo, une bonne nouvelle, etc… Ce qui est acquis est donc appris.

C’est bien clair ? Tout le monde a compris ? Alors on peut y aller.

Il existe un mythe qui dit que l’allaitement est une chose naturelle (dans le sens que ça doit se faire tout seul, comme un réflexe, comme le fait de respirer, en fait). À cause de ce mythe, beaucoup de mères en difficulté se sentent comme des moins que rien. Et leur isolement, associé au manque de formation des professionnels de santé à ce sujet ne fait qu’enfoncer le clou.

Combien de fois ai-je entendu « Il suffit de le vouloir pour que tout se passe bien », « Si t’as un problème c’est que ça ne devait pas se faire, passe au LA ! », « Il / elle est pédiatre / sage-femme / médecin / infirmière / pharmacien / aide-soignante / blouse blanche, c’est son métier », « Elle a eu X enfants, elle sait ce qu’elle dit », « mieux vaut un biberon donné par une maman zen qu’un sein donné par une maman stressée » et autres conneries en tout genre.
Déjà, s’il suffisait de le vouloir, il n’y aurait pas autant d’échecs. Si on a un problème, il existe une solution, inutile de se jeter sur un produit hors de prix, inadapté aux humains et fabriqué dans des conditions si douteuses que, récemment, un scorpion a été retrouvé dans une de ces boîtes. NON ! Ce n’est PAS leur métier ! Être professionnel de l’allaitement demande une formation particulière qui ne fait pas partie de leur cursus (il ne faut pas hésiter à le leur rappeler). S’il devait n’exister qu’un seul professionnel de l’allaitement, ce serait Jack Newman (La Leche League a traduit certains de ses articles non déjà traduits sur son site officiel, ). Si avoir des enfants donnait la science infuse, tous les pays auraient une mère de famille comme chef. Et un sein donné par une maman stressée est un sein donné par une maman qui manque de soutien, d’information et d’apprentissage, pire : une maman qui se fait harceler par des extrémistes du biberon (qui ne cherchent souvent qu’à justifier leur propre comportement et non à aider la nouvelle mère).

Alors soyons clairs et faisons passer le message : fabriquer du lait est naturel. L’allaitement, ça s’apprend.

Et c’est même une discipline complexe, dans nos pays où chacun vit chez soi, isolé de la vue / vie des autres, n’ayant jamais eu d’exemple. Il est donc important qu’avant d’avoir des difficultés on ait le numéro d’une copine / consultante / bénévole au top des connaissances sur le sujet dans son répertoire. Et si jamais une difficulté arrive, il est encore plus important de ne pas hésiter une seconde avant de l’appeler. On n’aura jamais l’air con à appeler, même pour du « simple » soutien. Par contre on aura des regrets, parfois des remords, si l’allaitement foire parce qu’on n’a pas appelé quand ça aurait été utile.
Surtout, une fois que vous avez trouvé la perle rare, faites-lui confiance ! Si elle vous dit de ne pas acheter de tétine, de biberon, de boîte de faux-lait, ce n’est pas pour rien. Si elle vous conseille un moyen de portage, ce n’est pas pour rien. Si elle vous propose de venir vous voir, dites-lui oui. Si elle vous dit que cette blouse blanche / voisine / collègue vous a dit des conneries, c’est vrai. Écoutez-la !

Ce qui est bon à savoir, c’est que cela vaut pour toutes les espèces dont le petit ne peut pas venir téter seul dès la naissance.

Dans les zoo, ils sont obligés de montrer aux femelles, dès le début de grossesse, des vidéos d’autres femelles de la même espèce en train d’allaiter leurs petits. S’ils ne le font pas, la nouvelle maman n’a parfois même pas l’idée de mettre le petit au sein. C’est dire l’importance de la transmission dans ce geste !

Non, nous ne sommes pas stupides ! Il ne s’agit pas d’instinct ! C’est un apprentissage !

Instinctivement, on va vouloir protéger son enfant et l’écouter. Mais le geste de mettre bébé au sein n’est pas instinctif. Dans les sociétés où l’allaitement est la norme, les filles le voient dès leur plus jeune âge. Quand leur tour arrive, elles ne se posent donc pas de question, comme si c’était instinctif. Mais ce n’est pas plus instinctif que d’apprendre à parler sa langue maternelle.

Malheureusement, dans nos sociétés où l’allaitement se vit de façon isolée, bon nombre de nouvelles mères en commencent l’expérience mais faute de bon conseil se retrouvent amenées à sevrer leur bébé. Cela est vraiment dommage car elles passent à côté d’une merveilleuse expérience. Il ne faut pas les accabler de reproches, elles s’en chargent elles-mêmes, utilisant pour la plupart le terme de « deuil » (ça vous permet d’imaginer leur douleur).
Elles ne sont en rien responsables de l’incompétence des gens qui les entourent. Ces femmes, je les plains sincèrement. Elles sont devenues entièrement mère, mais on les a laissées tomber, on les a trompées, on a sapé leur confiance en elles en les convainquant qu’elles n’étaient pas capable de nourrir leur bébé. Et ce choix de sevrer, souvent réalisé à contrecoeur, elles l’ont fait en croyant sincèrement choisir ce qu’il y a de mieux pour leur bébé.

Ouh la vilaine mère au foyer !!!

Dans les faits, je suis mère au foyer car je m’occupe de mon fils tous les jours, toute la journée.
Mais dans la réalité fiscale, je suis une femme active puisque je travaille 3 nuits par semaine, de 21H à 6H30 (mon fils reste alors à la maison, avec son père, le temps de dormir).
Et oui : j’ai la double casquette.

Et justement, au moment où nous nous disions, avec mon homme, que cette situation ne nous convenait plus, que 2 casquettes étaient ben trop lourdes à porter (à cause du manque de sommeil), et que nous allions devoir faire un choix, nous apprenons que celui-ci nous allait être refusé.

Nous avions pesé les « pour » et les « contre », pour en venir à la conclusion que notre fils n’aurait certainement pas eu son caractère si joyeux, si curieux, n’aurait certainement pas eu ce soucis de l’autre, cette empathie, et surtout son amour des petits rien du quotidien s’il avait été confié à un ou plusieurs étrangers avant même de pouvoir exprimer son avis sur la question. Nous en avions conclu que rien ne pouvait contrebalancer cela dans notre choix et que si nous avions décidé d’avoir des enfants ce n’était certainement pas pour en faire des êtres en quête des besoins inassouvis de la petite enfance.

Nous n’avons pas les moyens de combler leurs besoins en ne les voyant que 2 heures par jour + les week-end. Nous ne savons pas. Pour ce faire, nous avons besoin qu’au moins l’un de nous reste s’occuper d’eux en permanence. Et c’est Monsieur qui aurait fait le sacrifice de rester au travail, car il n’a ni les moyens de porter nos enfants, ni les moyens de les allaiter et que, chez nous, cela fait nécessairement partie de l’éducation des enfants. D’après nous, ils ont besoin de ce contact tout autant qu’ils ont besoin d’amour, de découvertes, de soins, de jeux, de nourriture, pour leur corps et leur esprit. Nous avions même prévu qu’une fois le dernier né sevré, je retournerais travailler pour permettre à Monsieur de transmettre à son tour.

Bref, c’était donc logiquement à moi, la mère, de bénéficier en premier du choix de répondre aux besoins essentiels de nos enfants. Même si cela signifiait pour nous une coupe nette dans notre budget (déjà très serré). Un trou que même les aides ne pourront pas combler. Nous étions en train de voir de quelle manière notre vie pouvait changer, de calculer au centime près la manière dont nous pourrions survivre financièrement à cette situation qui nous tient tant à coeur. Nous étions sur le point d’avoir trouvé la solution lorsque, tout à coup, une Ministre ne connaissant visiblement pas la vie d’un parent au foyer nous a envoyé dans la figure à quel point notre vision de la vie était anti-citoyenne et bientôt punissable par le porte-monnaie. Madame la Ministre veut nous faire croire que s’occuper de sa famille par choix n’est pas valorisant pour la femme (car elle ne sait pas non plus que, parfois, ceux sont les hommes qui font ce choix).

Alors moi, j’ai deux trois petites choses à dire à cette femme :

Si s’occuper des enfants n’était pas complexe et valorisant, nous n’aurions pas besoin d’un diplôme et ne recevrions pas de salaire pour nous occuper de ceux des autres.
Si avoir le pouvoir de nourrir son tout petit grâce à notre corps (je parle ici d’allaitement) n’était pas valorisant et essentiel, il n’y aurait pas de lactarium permettant la survie de millions de nouveaux nés. Pour les allaiter de manière optimale, nous avons besoin d’être avec eux aussi longtemps qu’ils ont besoin de lait (voir avec votre confrère de la Santé pour plus de précision).
Si la capacité de rendre nos enfants assez confiants et épanouis pour devenir des citoyens responsables et conscients n’était pas valorisante, alors il n’y aurait pas toujours plus de lois, d’études et de rapports valorisant cela.

Mes journées ne sont pas celles d’une esclave, bien au contraire.

J’ai des journées de pédagogue (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), de cuisinier (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), de directrice des opérations (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), de médiateur (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), de responsable des plannings (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), de décoratrice d’intérieur (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), de technicienne de surface (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), d’infirmière (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), de psychologue (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), d’assistante maternelle (métier valorisant à vos yeux lorsqu’il est rémunéré), et j’en passe.

En écrivant cela, je me rends compte que ce que veut nous faire croire la Ministre, c’est que sans rémunération, point de valorisation. Les valeurs humaines ne valent rien (l’étymologie des termes est voulue).

Il faut sortir de cette vision des rapports humains dans lesquels la dominance est maîtresse. En restant au quotidien avec mon fils, je lui ai appris l’importance du respect, de la réflexion, de l’empathie, de l’entraide… car j’ai eu le temps pour cela. Si je n’avais eu que deux trois heures par jour et les week-end pour le faire, je n’aurais eu certainement d’autre choix que de recourir à l’obéissance aveugle, la contrainte, l’égocentrisme, l’individualisme…

Est-ce cela que veut notre Ministre ? Une génération en quête de besoins inassouvis, incapable de réfléchir à des solutions pour la Nation, trop occupée à résoudre ses propres problèmes ? Ah mais oui ! En écrivant cela je me souviens de la recette correspondant à ces ingrédients :

la Dictature !