« Enceinte, elle se prive d’alcool mais elle fume sa clope. Pffff ! »

Toi qui a lancé cette phrase assassine, hier, tu es passée tout près d’un cataclysme.

D’abord, j’aimerais savoir ce que tu veux dire par là. Tu veux dire que puisque je n’ai pas réussi à arrêter de fumer, alors je devrais aussi envoyer de l’alcool à ce bébé ? Et pourquoi pas y ajouter de la THC, de la cocaïne, du crack, du LSD ou que sais-je encore pour faire un joyeux cocktail, hein ? C’est absurde au possible !

Ensuite, cela signifie que tu n’as aucune idée de ce qu’est une addiction. Tu le sauras le jour où, toi-même, tu devras te passer de ton pack de bières hebdomadaire accompagné des quelques autres verres que tu t’envoies systématiquement.

Et puis enfin je vais te dire pourquoi il m’est si difficile de me passer de cette foutue clope. J’ai été conçue dans un nuage de fumée. Ma vie in utéro s’est aussi faite dans un nuage de fumée. Puis je suis née et j’ai grandi dans ce nuage, jusqu’à ce que je quitte la maison. Alors j’ai été en manque. Et bien oui. Même si je n’avais encore jamais touché moi-même une seule cigarette, ce tabagisme passif m’avais rendue accro. Alors j’ai commencé à fumer (au passage, je ne remercie pas les buralistes qui m’ont vendu leur marchandise alors que j’étais mineure). Et j’ai continué ainsi pendant plus de 10 ans.
Puis je suis tombée enceinte une première fois. Euphorique, j’ai immédiatement arrêté de fumer, sans manque aucun, sans même y réfléchir. Malheureusement, j’étais la seule à être heureuse de cette grossesse. Le reste de mon entourage (le père inclus) m’a mis la pression pour que j’avorte. Une telle pression que j’en suis restée sous le choc. Pire : lors de chaque rendez-vous pré-avortement et jusqu’à l’entrée au bloc j’ai dit que je voulais garder cet enfant dont j’avais vu et entendu le coeur battre en moi. Mais ils ne m’ont pas écoutée. Ils l’ont aspiré, comme un vulgaire tas de poussière. De rage, de désespoir, j’ai allumé une cigarette.
Alors quand je suis tombée enceinte une deuxième fois, puis une troisième, l’angoisse de cet évènement monstrueux dont les flash me reviennent encore régulièrement (stress post-traumatique) combinée à mes années de dépendance a fait que mon tabagisme n’a pas disparu. C’est déjà un exploit que j’ai réussi à diviser ma consommation par 7.

J’aurais pu te balancer tout ça en pleine tronche, hier, quand tu m’as regardée de haut. Mais tu n’avais pas le moral. C’était d’ailleurs pour ça qu’on t’avait gardée pour l’apéro et qu’on t’avait invitée à dîner. Pour te changer les idées. Alors je n’ai rien dit. Mais tu sais, le jour où tu seras toi-même décidée à devenir Maman, j’aimerais bien être là. Pour 2 choses :
La première, pour voir si tu auras su faire une croix sur ton alcool chéri (ce dont je doute fort).
La deuxième, pour que tu me présentes tes excuses.

Car tu m’as fait mal, hier. Très mal. En sous-entendant que j’étais soit une sombre crétine, soit une sadique s’amusant à faire du mal à ses enfants au lieu d’essayer simplement de me comprendre.

 

Je ne m’attends pas spécialement à des commentaires positifs sous cet article. Mais sachez qu’il n’est nul besoin de me culpabiliser plus que je ne le fais déjà. Pour le coup, c’est vous qui seriez sadiques de m’enfoncer plus encore. Je ne recherche pas non plus la formule miracle qui me fera cesser la cigarette. Je pense que j’y arriverai le jour où j’aurai réussi à régler d’autres choses.

Une réponse à “« Enceinte, elle se prive d’alcool mais elle fume sa clope. Pffff ! »

  1. Nebullae

    Je n’ai qu’une chose à te dire : sache que si tu arrives à rester en deçà des 10 par jours la balance bénéfices/risques par rapport aux effets du sevrage (stress et manque notamment) est en faveur de ces quelques clopes…
    Grosse fumeuse (plus d’un paquet quotidien) avant ma première grossesse je m’étais renseigné auprès d’une sage femme tabacologue.
    Cela dit ce que tu as dû subir lors de ta première grossesse est absolument atroce 😥

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